Retour d'expérience + conséquences de la francisation des nom et prénoms

Je partage mon expérience à toute fin utile.

Tout d’abord, je suis né au Maroc et je suis arrivé en France en 2016 pour y poursuivre mes études. Pendant l’instruction de mon dossier, j’étais étudiant et j’ai eu des CDD.

J’ai déposé mon dossier complet à la préfecture de l’Essonne à la mi-septembre 2021, sans preuve d’insertion professionnelle suffisante, étant à l’époque purement étudiant, et avec une demande de francisation de mes nom et prénom.

Pour des raisons évidentes je ne partagerai pas mon identité ici mais voici les règles pour les plus curieux :

  • Les prénoms c’est open bar : vous pouvez supprimer, changer l’ordre des prénoms, remplacer les prénoms, ajouter des prénoms du moment qu’il y en a au moins un à la fin de votre opération. Quant aux nouveaux prénoms eux-mêmes, je ne sais pas rééllement s’ils doivent être piochés dans une liste (que je n’ai pas). Je n’ai pas pris de risques : j’ai choisi des prénoms qui ont manifestement un caractère français, a minima européen (encore faut-il définir ce qu’est un tel prénom, mais bon, il est facile d’admettre que certains prénoms sont clairement d’origine française).
  • Pour le nom de famille, c’est restrictif mais c’est clair : soit vous le traduisez en français si vous connaissez sa signification, soit vous le transformez de sorte à ce que ça ait une consonance française (c’est encore une fois ambigu, qu’est-ce qu’une consonance française ? c’est laissé au bon sens de chacun, mais là aussi, il est facile d’admettre que certains noms de famille sont manifestement à consonance française).

A débuté ensuite la plus longue période d’attente, qui a duré un an, durant laquelle j’ai pu contracter deux CDD et où j’ai déménagé. Je n’ai eu le temps de signaler que le déménagement.

Je reçois vers juin 2022, par la poste, une convocation de l’agent en charge de mon dossier pour me présenter à l’entretien d’assimilation mi-octobre 2022 avec certaines pièces justificatives (notamment en rapport avec les impôts, la CAF et les contrats de travail).

L’agent était bienveillante. Elle a d’abord mis à jour tout mon dossier avec les nouvelles pièces, notamment les contrats, et a insisté sur le fait qu’être étudiant n’est plus suffisant et qu’il faut justifier d’un minimum d’insertion professionnelle : « l’idéal est d’avoir travaillé deux ans et d’avoir touché au moins 10% du SMIC, mais ce n’est pas gravé dans le marbre, tout dépend de l’appréciation qu’en fera le ministère ». Ce n’était pas mon cas, et pourtant c’est passé (mais bon, je ne touchais pas 10% du SMIC non plus). L’agent insiste sur le fait que globalement, le dossier ne doit pas montrer que vous « vivez ou vivrez au crochet des aides de la nation, ni que vous cherchez à obtenir la nationalité pour bénéficier exclusivement de cette aide ».
La suite de l’entretien a consisté en une discussion pour vérifier mon intégration dans la société française ainsi que ma connaissance de l’histoire et de la culture française : tout est dans le livret. Il faut être au point sur les droits et devoirs, et quelques éléments historiques majeurs.

Un mois plus tard, mi-novembre 2022, je reçois un mail, cette fois-ci, de la Sous-Direction d’Accès à la Nationalité Française (SDANF) m’informant qu’ils ont bien reçu mon dossier, et qu’aucune information ne sera communiquée tant que la décision finale ne sera rendue. Je précise qu’aucun numéro ministériel du dossier n’est mentionné dans ce mail ; en revanche j’ai bien un numéro préfectoral inscrit dans la convocation à l’entretien d’assimilation.

Du 15 novembre 2022 à début avril 2023, je consulte chaque jour le Journal Officiel, jusqu’à voir apparaître mon nom dans la section des naturalisations : je suis content. La francisation et la naturalisation ont été publiées en même temps.

Je décide de prendre rendez-vous à la mairie de mon lieu de domicile pour lancer l’instruction de ma Carte d’Identité (CNI) : c’était une erreur de se limiter à une seule mairie, car celle que j’ai choisie proposait des rendez-vous deux mois plus tard, et l’instruction après le rendez-vous est longue depuis le Covid. Je n’ai eu ma CNI que fin août 2023.
Vous aurez besoin d’un justificatif de domicile, de photos (de préférence prises chez un photographe qui en fait pour les formalités administrative, pas le photomaton, ce serait dommage qu’on vous refuse les photos le jour du RDV pour lequel vous avez attendu des mois), et de la pré-demande à remplir sur ants.gouv.fr.
Petit passage délicat : la mairie demande le « courrier du ministère annonçant la naturalisation » pour la demande de passeport et de CNI.
Problème : je n’en ai pas reçu, je n’ai que la page du journal officiel, et ils sont formels à la mairie, ils n’acceptent que ce courrier du ministère ou alors l’acte de naissance, mais certainement pas la page du journal officiel.
Ce n’est pas grave, j’ai profité de l’attente du RDV en mairie pour récupérer ma copie intégrale d’acte de naissance française sur internet (service-public.fr) : ça a pris un mois et elle mentionne le décret de naturalisation, les nom et prénoms d’origine ainsi que leur version francisée en en-tête et en mention marginale en bas de page. L’Acte de naissance passe à la mairie comme une lettre à la poste si jamais on n’accepte pas la page du journal officiel vous concernant.
De plus, la SDANF et la préfecture m’informent qu’ils n’envoient plus les ampliations de décret et que la seule manière de le récupérer est de télécharger le Journal Officiel qui a une valeur légale ; c’est étonnant que la mairie (en tout cas la mienne) ne l’accepte pas.
Au moment de remplir les formulaires de dépôt de demande de CNI et de passeport sur ants.gouv.fr (avant d’aller en mairie), il faut utiliser la nouvelle identité, même dans les champs du type « Nom de naissance » : aucun « panachage » n’est autorisé. Si vous demandez de nouveaux nom et prénoms, c’est pour les utiliser.

Attention, on vous reprend le titre de séjour au moment de vous délivrer votre premier titre français. En cas de francisation, c’est quelque chose à prendre en compte. Il faut être réactif et effectuer un maximum de transitions vers la nouvelle identité surtout si vous n’avez plus aucun justificatif d’identité sous votre ancien nom.

À l’obtention de la CNI et du passeport vient l’étape où il faut faire la transition vers les nouveaux nom et prénoms. J’indique en gras les transitions que j’ai faites sans souci. Les sections qui ne sont pas en gras sont en cours.

  • La banque : il suffit de les informer en joignant la CNI et l’acte de naissance, le changement sera visible sur le RIB dans les 48h au maximum.

  • Les impôts : il suffit de les informer en joignant la CNI et l’acte de naissance sur l’espace impots.gouv.fr. Le changement survient dans les 48h.

  • L’Assurance Maladie : il faut déposer dans la boîte aux lettres de la CPAM dont vous dépendez un courrier explicatif, l’acte de naissance avec la mention marginale, la CNI et une copie de la carte vitale. Soyez le plus précis possible dans le courrier explicatif en mentionnant l’ancienne et la nouvelle, et le motif du changement. Une fois le courrier reçu, le changement prend au moins un mois : mes droits à l’Assurance Maladie sont toujours sous l’ancien nom.

  • La CAF : même genre de délais que pour l’Assurance Maladie, mais visiblement pas de dossier papier à déposer, tout se passe sur votre espace en ligne. Suivre mes démarches > À transmettre > Transmettre un document > Vos autres documents. Transmettez alors un courrier explicatif, votre acte de naissance avec la mention marginale, et la CNI, en cliquant sur continuer à chaque téléchargement de document. Mon espace porte toujours l’ancienne identité à ce jour.

  • Carte grise : Si vous possédez un véhicule, il faudra changer votre nom sur la carte grise. Connectez-vous à votre compte ANTS avec France-Connect (en utilisant votre compte d’impôts par exemple) puis, successivement Nouvelle demande > L’immatriculation > Faire une autre demande > Je commence la demande > Signaler un changement sur ma situation personnelle > Changement d’état civil, de raison sociale ou d’état matrimonial. Expliquez rapidement que vous souhaitez rééditer votre carte grise après changement de nom suite à la naturalisation, saisissez vos informations et les informations du véhicule puis transmettez les documents usuels (CNI, Acte de naissance). Après instruction de votre dossier (une semaine environ) vous aurez la possibilité de payer une dizaine d’euros et vous recevez par courrier avec accusé de réception votre nouvelle Carte grise.

  • Assurance auto : Comme pour la banque, cela se fait en quelques jours. Il suffit de les informer par mail en envoyant la CNI et l’Acte de naissance. Joindre aussi la carte grise avec la nouvelle identité.

  • Permis : je ne fais un retour que sur ma situation. En tant qu’étudiant, je pouvais conduire avec mon permis marocain tant que je possédais le statut étudiant. Dès la perte du statut étudiant (donc dès la date de la naturalisation, théoriquement), je dispose d’un an pour échanger mon permis marocain contre un permis français, soit jusqu’en avril 2024. L’échange se fait sur votre compte ants.gouv.fr. À ce jour, mon dossier est toujours en cours d’instruction, et je crois que les délais sont autour de 6 mois.
    Vous disposez d’un an à compter de la date du décret de naturalisation pour continuer à conduire avec votre permis et les différents justificatifs (copie de votre ancien titre de séjour, CNI et acte de naissance pour justifier la naturalisation et le changement de nom, ainsi que les papiers du véhicule à la nouvelle identité).
    Parmi les pièces que l’on vous demandera pour déposer votre demande, il y a une attestation des droits à conduire : pour le Maroc il s’agit de l’« Attestation d’authenticité de permis de conduire » qui n’est délivrée que par le Service des Mines qui vous a délivré votre permis (le consulat n’est pas une option, donc). Il faut qu’elle date de moins de trois mois et vous pouvez faire une procuration pour que quelqu’un d’autre la récupère à votre place, vous n’avez besoin que de son scan. En cas de francisation des nom et prénoms, les pièces justificatives à déposer pour l’échange de permis prévoient que vous déposiez le décret de naturalisation et l’acte de naissance, donc aucun souci pour faire éditer votre permis français à votre nouveau nom et prénom.

  • Diplômes : depuis une loi entrée en vigueur en 2012, le rectorat dont dépend l’organisme qui vous a donné un diplôme peut rééditer ce diplôme avec le nouveau nom. Il faut contacter le rectorat en question directement pour en savoir plus.

  • Hébergement : Il suffit de le notifier de ce changement avec ce fameux duo CNI + ADN. Il fera le nécessaire (il rééditera probablement le contrat).

  • Titre de transport : Dans mon cas, c’est le pass Navigo. Il faut aller à un point « Service » dans une gare de RER ou une station de métro, leur présenter la CNI et le pass Navigo. Ils en refont un sur place.

Viennent enfin les questions sans réponse pour lesquelles j’ai besoin de l’expérience des franco-marocain de ce forum qui ont francisé leur nom et prénom. Je pars du principe que les papiers marocains sont renouvelés, et que l’identité non francisée y figure toujours.

  • En tant que franco-marocain, voyager au Maroc nécessitera la présentation de pièces d’identité des deux pays à la police aux frontières marocaine. Voici comment je vois la chose : si je présente le passeport français, soit on nous demandera ce qu’on vient faire au Maroc (réservation d’hôtel) comme on le demanderait à n’importe quel français, soit on constatera que la naissance a eu lieu au Maroc et on nous demandera directement une pièce marocaine. Si on présente le passeport marocain en venant de la France, il faudra justifier de la régularité du séjour en France. Dans tous les cas il faudra présenter des documents relatifs aux deux nationalités pour répondre à l’agent.
    Comment justifier alors de la discordance entre les deux identités ? L’acte de naissance suffit-il, ou bien faut-il établir un document spécial pour cette occasion ?

  • En cas de formalité administrative nécessitant des pièces d’identité des deux pays, comment justifier que les pièces d’identité marocaines et les pièces d’identité françaises concernent la même personne ?

J’espère que tout ce que je partage ici sera utile, et j’attends vivement vos retours d’expérience.

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Merci pour le partage assez détaillé. Par rapport à votre dernère question, jai moi même cherché des éléments de réponses en vain sur le net. Et pour éviter des soucis lors des voyages et de refaire tous mes documents du pays d’origine, j’ai du abandonner l’idée de francisation.

Bonjour

Pour la francisation (nom et prénom acceptés), J’aimerais savoir combien temps il faut attendre après la publication dans le JO, pour demander les nouvelles actes de naissance? J’ai fait mes démarches pour mon le passeport et ma CNI mais la mairie a besoin d’une acte naissance car l’extrait du JO ce n’est pas suffisant.

Merci!

Bonjour cher wuthering,

Je suis dans la même situation que vous, auriez-vous l’amabilité de me préciser si vous avez eu une réponse a votre question ?

je cherche désespérément un Rex de cette situation, sans malheureusement trouver.

êtes vous allé au maroc après votre récit ? que s’est il passé pour vous?

merci par avance.